C’est un constat qui n’a pas besoin de chiffre pour être expliqué, car la plupart des Français a déjà été confronté à une difficulté d’accès aux soins de santé : délai de consultation long, pas de prise de nouveaux patients, pas de spécialiste dans sa ville…

Oui, en France, il manque des médecins. Dans cet article, nous revenons sur le phénomène de désert médical, sur les causes qui ont causé cette situation et sur les solutions mises en place ou envisagées pour retrouver un équilibre entre besoin de consultation médicale et nombre de professionnels de santé.

Qu’est ce qu’un désert médical ?

Un désert médical est une zone géographique où l’offre de soins est insuffisante pour répondre aux besoins de la population. Cette situation concerne aussi bien les médecins généralistes que les spécialistes, avec pour conséquence un accès difficile ou retardé aux soins pour les patients.

Ces zones, caractérisées par une faible densité de professionnels de santé par habitant, obligent souvent les patients à parcourir de longues distances pour consulter un médecin ou à attendre des semaines, voire des mois, pour un rendez-vous.

En France, on estime que plus de 1,7 millions de personnes sont situées dans une zone de désert médical, et que plus de 15,5 millions de personnes ont des difficultés à trouver un professionnel de santé en France (chiffres 2023 Statistica).

Pourquoi connaît-on un manque de médecins dans certains territoires en France ?

Départ à la retraite des médecins

Une des principales causes de la pénurie de médecins est le départ massif à la retraite des praticiens, et un manque d’anticipation de la formation. De nombreux médecins actuellement en exercice ont commencé leur carrière dans les années 70 et 80, à une époque où la démographie médicale était plus favorable. Aujourd’hui, une grande partie de cette génération approche de la retraite ou y est déjà.

Cette vague de départs crée un vide qui peine à être comblé par les nouvelles générations de médecins, entraînant une chute de la densité médicale dans plusieurs régions de France, particulièrement en milieu rural.

Héritage du numérus clausus

Le numerus clausus, instauré en 1971 pour réguler le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine, a longtemps limité le nombre de médecins formés en France.

Pendant plusieurs décennies, cette politique a entraîné une baisse importante du nombre de diplômés en médecine. Même si le numerus clausus a été supprimé en 2020, les effets de cette restriction se font encore ressentir aujourd’hui. Le faible nombre de médecins formés durant ces années passées ne suffit pas à remplacer ceux qui partent à la retraite, contribuant ainsi à la crise actuelle.

Répartition inégale des médecins sur le territoire

Le manque de médecins en France est également lié à une répartition inégale des professionnels de santé sur le territoire. Les grandes agglomérations et les zones urbaines attirent naturellement plus de praticiens en raison de meilleures infrastructures, de la présence de réseaux professionnels et d’un cadre de vie perçu comme plus attractif.

En revanche, les zones rurales et certaines régions plus isolées, où la demande de soins est pourtant forte, peinent à attirer et retenir des médecins. Cette disparité territoriale aggrave la problématique des déserts médicaux, où des milliers de Français n’ont pas accès à un médecin de proximité.

Quelles sont les régions les plus touchées par le recul du nombre de médecins ?

Evolution du nombre de médecins généralistes et spécialistes par département en France entre 2012 et 2023 (Chiffres DREES 2023)

Département

2012

2023

EVOLUTION % 

TOTAL France

111069

100417

-10%

052 – Haute-Marne

225

155

-31%

078 – Yvelines

2584

1781

-31%

058 – Nièvre

283

196

-31%

089 – Yonne

405

282

-30%

023 – Creuse

119

84

-29%

018 – Cher

353

255

-28%

047 – Lot-et-Garonne

489

356

-27%

028 – Eure-et-Loir

458

334

-27%

065 – Hautes-Pyrénées

457

334

-27%

088 – Vosges

514

377

-27%

046 – Lot

258

190

-26%

092 – Hauts-de-Seine

3112

2293

-26%

036 – Indre

253

187

-26%

091 – Essonne

1830

1370

-25%

016 – Charente

514

385

-25%

095 – Val-d’Oise

1584

1191

-25%

050 – Manche

668

505

-24%

077 – Seine-et-Marne

1647

1250

-24%

061 – Orne

290

222

-23%

039 – Jura

322

247

-23%

093 – Seine-Saint-Denis

1812

1390

-23%

072 – Sarthe

769

591

-23%

048 – Lozère

87

67

-23%

041 – Loir-et-Cher

460

355

-23%

081 – Tarn

712

553

-22%

010 – Aube

384

303

-21%

075 – Paris

7102

5612

-21%

030 – Gard

1341

1061

-21%

045 – Loiret

895

709

-21%

002 – Aisne

547

437

-20%

090 – Territoire de Belfort

200

160

-20%

009 – Ariège

214

173

-19%

004 – Alpes-de-Haute-Provence

269

219

-19%

027 – Eure

590

481

-18%

012 – Aveyron

376

307

-18%

032 – Gers

268

220

-18%

011 – Aude

610

505

-17%

003 – Allier

478

398

-17%

008 – Ardennes

360

300

-17%

055 – Meuse

182

152

-16%

070 – Haute-Saône

292

247

-15%

024 – Dordogne

585

495

-15%

019 – Corrèze

322

273

-15%

087 – Haute-Vienne

680

578

-15%

062 – Nord-Pas-de-Calais

1967

1676

-15%

094 – Val-de-Marne

1896

1617

-15%

086 – Vienne

690

589

-15%

082 – Tarn-et-Garonne

439

380

-13%

02B – Haute-Corse

313

271

-13%

053 – Mayenne

291

252

-13%

068 – Haut-Rhin

1194

1035

-13%

060 – Oise

934

814

-13%

026 – Drôme

764

667

-13%

057 – Moselle

1435

1255

-13%

007 – Ardèche

456

399

-13%

084 – Vaucluse

1047

922

-12%

013 – Bouches-du-Rhône

5109

4546

-11%

022 – Côtes-d’Armor

812

723

-11%

006 – Alpes-Maritimes

2969

2645

-11%

079 – Deux-Sèvres

393

352

-10%

083 – Var

2302

2063

-10%

071 – Saône-et-Loire

627

564

-10%

059 – Nord

4238

3854

-9%

025 – Doubs

932

853

-8%

076 – Seine-Maritime

1995

1827

-8%

051 – Marne

942

867

-8%

017 – Charente-Maritime

1190

1098

-8%

015 – Cantal

199

184

-8%

037 – Indre-et-Loire

1205

1122

-7%

066 – Pyrénées-Orientales

1025

959

-6%

038 – Isère

2002

1887

-6%

085 – Vendée

746

705

-5%

054 – Meurthe-et-Moselle

1307

1252

-4%

034 – Hérault

2620

2515

-4%

001 – Ain

603

581

-4%

040 – Landes

661

637

-4%

02A – Corse-du-Sud

290

283

-2%

063 – Puy-de-Dôme

1075

1056

-2%

042 – Loire

1070

1058

-1%

067 – Bas-Rhin

2221

2237

1%

043 – Haute-Loire

242

245

1%

031 – Haute-Garonne

3073

3143

2%

069 – Rhône

3592

3692

3%

972 – Martinique

453

466

3%

064 – Pyrénées-Atlantiques

1560

1607

3%

073 – Savoie

780

804

3%

056 – Morbihan

1119

1156

3%

971 – Guadeloupe

508

526

4%

021 – Côte-d’Or

807

841

4%

033 – Gironde

3566

3788

6%

080 – Somme

828

880

6%

029 – Finistère

1441

1547

7%

074 – Haute-Savoie

1215

1312

8%

035 – Ille-et-Vilaine

1681

1847

10%

049 – Maine-et-Loire

1220

1357

11%

973 – Guyane

141

157

11%

014 – Calvados

1020

1136

11%

976 – Mayotte

39

44

13%

044 – Loire-Atlantique

2283

2584

13%

974 – La Réunion

1416

1675

18%

005 – Hautes-Alpes

226

273

21%

Synthèse des régions les plus touchées par la diminution du nombre de médecins

Entre 2012 et 2023, le nombre de médecins (généralistes et spécialistes) a diminué de 10%, alors que la population en France a augmenté de 10% passant de 62 à 68 millions de personnes.

Parmi les zones les plus touchées par le recul du nombre de médecins, on retrouve majoritairement des départements ruraux comme la Haute Marne, la Nièvre, l’Yonne, la Creuse, le Cher et le Lot et Garonne et quelques départements de la région parisienne (Yvelines, Essonne, Hauts de Seine, Seine Saint Denis).

Quelles sont les solutions pour faciliter l’accès aux soins des Français ?

Les solutions mises en place sont multiples et sont déjà en partie utilisées. L’avenir dira si elles permettent de remettre en adéquation le nombre de médecins exerçants en France, avec le besoin d’accès au soin des Français. Le manque d’anticipation des pouvoirs publics dans la formation de nouveaux médecins, et le manque d’anticipation des départs en retraite, ne peuvent malheureusement pas être réglés en 1 an.

1. L’utilisation de la télémédecine

Avec l’avènement des nouvelles technologies, la télémédecine offre une réponse innovante au manque de médecins dans certaines régions. Elle permet aux patients de consulter à distance via des outils connectés.

Le cadre juridique de la télémédecine est encore en évolution, mais il constitue un levier important dans la lutte contre les déserts médicaux et rend accessible la téléconsultation pour des pathologies simples au plus grand nombre, même si certaines contraintes liées à l’âge des patients et à l’utilisation des nouvelles technologies, ne résout pas totalement le problème.

C’est actuellement la solution la plus efficace pour permettre une consultation rapide pour des pathologies simples.

2. Incitation à l’installation des jeunes médecins

Plusieurs incitations financières existent déjà pour inciter les jeunes médecins à s’installer dans des zones de désert médical. Elles peuvent aussi être complétées par des initiatives locales, notamment de la part des mairies.

  • Le contrat d’engagement de service public (CESP), qui permet aux étudiants en médecine de recevoir une bourse en contrepartie de leur installation en zone de désert médical après leurs études.
  • Les aides à l’installation versées par les Agences Régionales de Santé (ARS) et les collectivités territoriales pour alléger les coûts d’installation.

3. La possibilité d'exercice des médecins à la retraite

Face à l’urgence sanitaire que représente la désertification médicale, l’Etat via les collectivités territoriales propose d’encourager les médecins à la retraite à intervenir à temps partiel dans des zones sous-dotées. Cette solution permet de combler ponctuellement le manque de praticiens.

Cette reprise d’activité doit être validée par l’Ordre des Médecins, qui statue sur les risques liés à l’âge du professionnel de santé. Cette opération nécessite également un encadrement juridique rigoureux pour garantir la compatibilité des statuts de retraite et l’assurance responsabilité civile professionnelle des médecins retraités.

4. Le développement des maisons de santé pluridisciplinaires

Pour pallier le manque de médecins, la création de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) est une solution qui facilite l’installation de nouveaux professionnels de santé dans les régions rurales notamment. Ces structures permettent de regrouper plusieurs professionnels de santé (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, etc.) au sein d’un même lieu, offrant ainsi aux patients une prise en charge complète et une limitation des coûts de structures pour les professionnels médicaux.

5. Révision du numerus clausus et augmentation des capacités de formation

Le numerus clausus a été supprimé en 2020 au profit du numerus apertus, les effets de cette réforme ne seront visibles que sur le long terme. Ce dispositif prévoit une formation de 13500 médecins supplémentaires en 2025.

6. Recours aux médecins étrangers

Le recours aux médecins étrangers est un recours de plus en plus utilisé pour pallier le manque de professionnels dans les zones sous-dotées. De nombreux médecins formés à l’étranger, principalement en Europe de l’Est et en Afrique viennent exercer en France, notamment dans des hôpitaux publics et dans des zones rurales. L’installation des médecins étrangers formés hors de l’Union européenne est possible en cas de reconnaissance de leurs diplômes, afin d’obtenir une autorisation d’exercice et être inscrit au tableau de l’Ordre des Médecins.

L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans l’aide au diagnostic médical, peut-elle permettre de lutter contre les déserts médicaux ?

L’IA dispose d’un potentiel considérable pour améliorer l’accès aux soins dans les déserts médicaux. En automatisant certains diagnostics ou en facilitant le tri des patients selon les symptômes, l’IA peut permettre de réduire la charge de travail des médecins et d’améliorer la gestion des flux de patients.

Des outils d’intelligence artificielle dans la médecine peuvent même permettre d’analyser des données médicales pour aider les praticiens à prendre des décisions plus rapidement. L’IA est déjà utilisée pour des analyses d’images en radiologie ou en dermatologie, et apportent une aide aux professionnels de santé.

Cependant, cette technologie soulève des questions juridiques importantes liées à la responsabilité médicale et à la protection des données personnelles, et l’inquiétude des patients et professionnels de santé quant à la fiabilité de ce système.

Faut-il voir dans l’IA une aide précieuse qui permet au médecin de prendre de meilleures décisions ? Faut-il craindre que le diagnostic du médecin disparaisse au profit d’un diagnostic par IA ? L’IA sera t’elle autonome pour réaliser des opérations chirurgicales ? Qui sera responsable en cas d’erreur ou d’accident médical ? Qu’en pensez-vous ?

Conclusion

Même si des solutions sont mises en place par les autorités, le problème d’accès aux soins ne sera pas réglé à court terme. Le manque d’anticipation dans la formation de nouveaux praticiens de santé, la mauvaise anticipation des départs à la retraite des médecins, et l’augmentation et le vieillissement de la population ont causé un véritable désert médical dans certaines régions.

Des solutions comme la téléconsultation pour des pathologies simples permettent de faire gagner du temps et de résoudre les problèmes liés aux implantations géographiques des médecins. Cette solution est d’ailleurs aujourd’hui largement utilisée par les patients. Le recours à l’IA (intelligence artificielle) peut aussi être vecteur de solutions, mais nous ne sommes aujourd’hui qu’aux prémices de son utilisation. Vous pouvez d’ailleurs retrouver les articles de notre cabinet d’avocat en droit médical des médecins sur les dernières actualités de notre blog.

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